Les albums:
Seulement une courte description de certains des albums. Les "interprétations" libres et simplistes sont miennes, et correspondent aux premières idées qui me sont venues en lisant les livres. Aucune tentative n'est faite d'entrer dans le monde obscur.
L'action a lieu à Blossfeldtstad. Albert Chamisso, qui a un travail prestigieux et réussi et a épousé une femme merveilleuse il y a deux semaines, commence à avoir des cauchemars unsupportables. Conseillé par un docteur il prend quelques "pillules purement chimiques, sans herbes du tout", et les cauchemars disparaissent! (en effet il ne rêve plus du tout). Mais, d'autre part, son ombre devient colorée... À partir de ce moment là il tombe dans le déshonneur, perd son travail, son épouse et son amour-propre...
Dans cette histoire il y a trois idées qui viennent immédiatement à l'esprit du lecteur. D'abord, c'est une histoire sur à quel point nous sommes intolérants avec qui et ce qui est différent; nous sommes même intolérants avec nous-mêmes si nous réalisons que nous avons quelque chose qui nous rend différents (celui qui est vraiment différent ne veut qu'être ordinaire...). Deuxième, une ombre colorée signifie une personne transparente; il s'avère que personne ne veut savoir qui les autres ou eux-mêmes sont vraiment: il est peut être mieux de montrer juste une ombre noire et blanche de nous-mêmes qu'exposer qui nous sommes vraiment. Et troisième, qu'une personne sans rêves est vide (encore l'idée de transparence, mais maintenant dans un autre sens) et malheureuse.
À la fin nous avons le sentiment qui peut être nous devons être transparents parfois et nous montrer comme nous sommes vraiment. Si nous sommes acceptés d'une façon ou d'autre à ces moments là, nous pouvons alors nous débarasser de nos cauchemars, avoir notre d'ombre de retour, et commencer à rêver d'autres rêves.
Eugen Robick est le "Urbatect" d'Urbicande, une ville divisée par son fleuve: la rive Sud a été déjà reconstruite par Eugen Robick, ayant des avenues et bâtiments grands et symétriques; la rive Nord est "chaotique" et désorganisée, au moins selon les normes de symétrie d'E. Robick et des gouvernants d'Urbicande. Les deux rives constituent deux mondes séparés, liés seulement par deux ponts fortement controlés par le povoir politique installé dans le Sud (vous pouvez trouver le plan de la ville dans le lien Urbicande). Les gens et les gouvernants de la rive Sud n'ont aucune idée de ce qui se passe au Nord, la plupart d'entre eux n'ont jamais traversé le fleuve, et vice-versa. La crainte d'une invasion du Sud par les gens "inconnues" du Nord mène les gouvernants à refuser la construction d'un troisième pont, en opposition aux plans et aux propositions d'E. Robick. Cependant, un cube (comme celui vous pouvez voir en rotation à la fin de cette page) apporté au bureau de Robick changera la vie de la ville... (au cas où vous n'avez pas encore lu ce livre mais voulez le faire bientôt, ce n'est peut être pas une bonne idée de continuer à lire cette synthèse) Le cube commence à se développer (chaque bord s'agrandit et des nouveaux cubes sont formés) et à s'agrandir (la taille des cubes devient plus grande). Bien vite il y a des cubes partout, qui couvrent la ville avec un grand réseau! Il n'est plus possible de controler le mouvement de personnes d'une rive de la ville à l'autre: les deux mondes séparés sont irréversiblement liés! Le réseau finit par disparaitre, en consequence de son énorme expansion.
C'est peut être parce que j'ai lu ce livre près de l'anniversaire de la révolution portugaise (le 25 avril 1974) qu'il m'a rappelé le processus d'une "révolution" (pas nécessairement une révolution politique). Quand il y a quelque chose "male" qui doit être changée, rarement la solution vient a partir des analyses rationnelles et des programmes intentionnels pour traiter le problème. Plus souvent la solution est déclenchée par quelque événement externe ou fortuit. Et à partir de ce moment là elle est imparable! Toutes les réactions humaines dans ces situations sont décrites à la perfection dans le livre, dés l'observateur qui se conserve lucide et éloigné (depuis le debut essaye de découvrir comment la situation va évoluer, et à la fin essaye de comprendre ce qui a pu être la cause de ce qui c'est produit et la façon dont ça puisse se produire encore) au conservateur (qui commence par voir le changement avec crainte et soupçon, mais quand le changement est fait et la "fièvre" est passée se rappele constamment des temps passionnants du changement, essayant de les prolonger d'une façon artificielle), passant par les gens "normaux" (qui vivent la fièvre des grands changements, mais avec le temps retrournent à sa vie normale, oubliant en grande mesure que les choses ont déjà été très différentes). Vous pouvez trouver les pensées "après les événememts" d'Eugen Robick (pas dans le livre, un cadeaux par Shuiten et Peeters disponible sur le site officiel!) ici .
Remarque finale : est-ce que l'idée d'un réseau croissant et reliant les personnes de mondes séparés vous rappelle quelque chose???
Au debut de cette histoire nous apprenons qu'il y a un problème dans une usine de la ville industrielle de Mylos, où une unité de production ne produit pas assez. D'autre part, une expédition en zeppelin, partant de Mylos vers Armilia, est sur le point de commencer. Armilia est une ville près du pôle Nord, où, perdus dans le froid et la desolation, des hommes attendent un message mystérieux qui les sauvera. Ferdinand est le responsable de cet important message et il le connaît déjà par mémoire, pour le sauvegarder de tout hasard que puisse arriver. Nous connaissons les détails de son aventure par lui-même, puisqu'il écrit un journal intime de voyage (ce que fait de "La route d'Armilia" un livre basé sur le texte, même si les dessins sont merveilleux!). Il trouve dans le zeppelin une jeune fille, Hella Jacobsen, qui s'est échappé d'une usine (des zeppelins!). Ils deviennent des amis immédiatement, mais Ferdinand cache l'enveloppe contenant le message magique de Hella et finit par le perdre! Et à ce moment-là il oublie ce qui était écrit dans le message...
Le voyage passe au dessus de beaucoup d'autres villes du continent obscur (il y a une belle carte avec l'itinéraire). Nous apprenons que la vie à Mylos est extrêmement dure, où les ouvriers d'usine sont censés de travailler et rien d'autre. Des actes comme la lecture sont considérés dangereux et inutiles. Les ouvriers sont physiquement reliés aux machines, et ainsi dépendent d'elles. Le premier principe de Mylos est quelque chose comme "nous avons besoin des machines comme elles ont besoin de nous. Si nous cessons de travailler elles s'arrêteront, et s'elles s'arrêtent nous mourrons". Ce sera Mary von Rathen, le héroïne d'un autre livre, qui libéralisera le régime et permettra à Mylos de sortir de son isolement. Mais ça nous n'apprendrons pas sur ce livre. Quant à Armilia (le nom est lié à la sphère armillaire), c'est presque une ville déserte dans l'extrême Nord du continent, mais avec un rôle crucial dans le monde obscur: elle assure la commande du "temps" (au sens de durée des instants) et du "temps" (au sens de climat). L'ambiguïté est employée dans le livre, et Armilia commande ce mélange curieux. Le message magique transporté par Ferdinand devrait permettre les machines commandant le "temps" de se remettre en marche.
Dans cette histoire nous prenons un certain temps à distinguer où est la réalité et l'imagination. Le mélange est bon, l'idée simple, et le résultat superbe. Au delà de la leçon d'amitié et confiance qui en sort, c'est une histoire sur l'idée que "nous sommes libres tandis que notre imagination est libre". J'emprunterai les prochains commentaires à José Eduardo Agualusa, un très bon écrivant d'Angola. Avant la révolution industrielle, il y avait à Londres des papillons de beaucoup de belles couleurs. Pourtant, après quelques années seulement les papillons gris ont survécu, puisque, avec la pollution, ils pourraient passer inaperçus et se cacher mieux. Sous la dictature, presque tous les hommes tournent le "gris", comme les papillons de Londres, pour passer inaperçus et pour survivre. Ce que nous apprenons dans "La route d'Armilia" est que parfois il vaut mieux de ne pas tourner gris et de prendre le risque de ne pas survivre, mais au contraire de rester libres et de garder la couleur!
Constant Abeels est un défenseur du progrès. Néanmoins, quand il découvre des projets colossaux pour transformer Brüsel avec une série de grands travaux et constructions (vous pouvez avoir une idée de l'importance des ouvres en regardant les images de Brüsel) il ne se sent pas trop confortable avec la dimension des transformations proposées. Il finit par se mettre d'accord avec Tina Tonero, une activiste contre les travaux, arrivant à la conclusion "qu'ils sont tous devenus fous".
C'est un très beau livre avec une critique profonde à la manière dont quelques villes modernes se sont développées (et se développent encore). Ce livre montre comment c'est possible manipuler les notions de "audace", " modernité" et "progrès" de façon à faire paraitre toute prudence comme "manque de vision" et à conclure que la notion de projet trop ambitieux ne doit pas exister. Mais naturellement la modernité n'est pas une valeur par elle-même, elle se comprend seulement quand employée au service de l'humanité et accompagnée de bon sens et soin avec les personnes. Si ce n'est pas le cas, il vaut mieux de rester loin du "progrès".
Il y a une chose que nous force à ne pas regarder ce livre simplement comme une fable: comme c'est écrit dans la toute première page du livre, "des liens troublants unissent Brüsel, l'audacieuse métropole des cités obscures, et la ville de Bruxelles, livrée depuis plus de 100 ans à l'appétit des politiciens et des promoteurs". Par conséquent, Brüsel est la cité obscure plus proche d'une ville du monde réel. Et on apprend que plusieurs des travaux proposés pour transformer Brüsel ont en fait été proposés (et quelques uns ont été accomplis) à Bruxelles!